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LilyPond : la notation musicale, pour tous

mardi 13 novembre 2007, par Valentin.

Sur Le Site, vous aurez de nombreuses occasions d’entendre parler du logiciel LilyPond. Mais de quoi s’agit-il au juste ?

LilyPond, la notation musicale pour tous. On dirait un programme politique, ou bien une publicité. C’est pourtant une simple vérité. Avec LilyPond, tout le monde peut éditer, et diffuser ses partitions, quelque soit son style de musique, son pays, ses moyens financiers.

 La belle histoire de LilyPond...

Sur le site lilypond.org, vous pourrez lire que :

Le projet LilyPond a été lancé par deux amis musiciens irrités par l’aspect terne et ennuyeux des partitions gravées par informatique.

Ces deux amis musiciens, ce sont Jan Nieuwenhuizen et Han-Wen Nienhuys, deux jeunes hollandais qui se sont rencontrés il y a plus de dix ans dans un orchestre d’étudiants, au Pays-Bas.

Ils avaient envie, ensemble, de créer un système permettant de créer des partitions aussi harmonieuses que les faisaient les maîtres graveurs d’autrefois. Après beaucoup d’essais, après s’être beaucoup documentés sur la gravure des partitions, et avoir même rendu visite aux derniers maîtres graveurs encore vivants, ils rendirent public leur projet.

Il fallait lui trouver un nom : ils s’inspirèrent des prénoms de leurs petites amies respectives, pour parvenir à ce nom « Lily-Pond », qui en anglais signifie « la mare aux nénuphars ». D’ailleurs, sur le site officiel du projet, vous verrez une reproduction d’un des célèbres « nymphéas » de Claude Monet, ces tableaux représentant des nénuphars de façon presque abstraite.

 Un projet coopératif, en perpétuelle amélioration

Mais il y a mieux : en créant ce projet, Jan et Han-Wen prirent une décision qui allait faire de LilyPond un projet encore plus unique. Lilypond, décidèrent-ils, serait un logiciel libre, parrainé par le projet GNU. Il serait donc non seulement gratuit, mais son avenir appartiendrait à ses utilisateurs, à ses fans, aux nombreux musiciens qui, bénévolement, y apporteraient, année après année, leur suggestions et améliorations.

De ce fait, LilyPond a accumulé, au cours des années, des fonctionnalités qu’aucun autre logiciel ne pourrait prétendre rassembler, puisque chacun était libre de le faire évoluer à sa guise, en dehors de toute considération de « rentabilité ». Parmi les possibilités qui m’étonnent le plus, je signalerai :

  • la prise en charge des partitions pour cornemuse
  • la prise en charge des partitions de chant grégorien
  • la prise en charge des notations contemporaines les plus complexes, telles que les nuances agogiques, les clusters et les micro-intervalles
  • la possibilité de saisir aussi bien des partitions baroques que du Jazz ou de la variété
  • la possibilité d’insérer directement du dessin, du texte, des couleurs ; ainsi LilyPond a-t-il déjà servi à éditer de véritables livres
  • la prise en charge des partitions en Braille, pour les aveugles musiciens1
  • les tablatures de banjo, et de tous les instruments à cordes possibles
  • les modes populaires turques, kazhaks, la possibilité d’employer les caractères spéciaux dans le texte, etc.

 Informatique et partitions

LilyPond n’est pas le premier programme à pouvoir éditer des partitions, loin de là : depuis près d’un demi-siècle, de tels logiciels ont permis, d’abord aux éditeurs de musique (les ordinateurs étaient alors d’énormes machines très coûteuses), puis peu à peu au grand public, de pouvoir saisir des partitions autrement qu’à la main.

En effet, pour imprimer de la musique, il est impossible de se servir, comme l’on fait pour le texte, des caractères mobiles inventés par Gutenberg. Aussi la façon la moins chère de produire une grande quantité de partitions, pendant longtemps, a-t-elle été... de les copier à la main !2

Quand on en avait les moyens, on pouvait tout de même imprimer une partition à un plus grand nombre d’exemplaires ; il fallait alors faire appel à un maître-graveur qui gravait à la main chaque page, l’une après l’autre, sur des plaques de métal, comme autant d’estampes.

Ce procédé long, coûteux, influait évidemment sur le prix des partitions, qui étaient un objet de luxe — ou dans certains cas, un véritable objet d’art, pour peu que l’on tombe sur un excellent artisan.

 L’édition musicale : en pleine impasse

Avec la révolution informatique, on aurait pu s’attendre à ce que le prix des partitions diminue, à ce que les éditeurs diversifient leurs catalogues, bref, à ce que la musique devienne véritablement accessible à tous.

Pourtant, tel ne fut pas le cas.

Pour une raison bien simple : pourquoi donc vendre moins cher, dans la mesure où les gens étaient habitués à payer une somme exorbitante ? La plupart des éditeurs de partitions, d’un commun accord, continuèrent donc à imprimer des partitions les plus chères possible, et ce d’autant plus aisément que certaines particularités bien arrangeantes de la définition juridique du Droit d’auteur leur garantissaient dans bien des cas un monopole inaltérable, même pour des compositeurs morts depuis des siècles.

Cette situation présentait deux effets particulièrement néfastes.

D’abord, la diffusion de la musique dite « contemporaine », c’est-a-dire écrite par des compositeurs d’aujourd’hui, aussi vivants que vous et moi, s’est vite retrouvée très marginalisée. Non seulement les œuvres contemporaines étaient de plus en plus rarement publiées, mais la plupart du temps elles l’étaient à un prix inabordable pour la plupart des musiciens et des élèves.

Ensuite, la qualité même des partitions, et des logiciels d’édition, est restée très inférieure à ce que l’on pouvait trouver dans les partitions copiées à la main quelques décennies auparavant. Les notes n’étaient pas très bien dessinée, les ligatures ne s’accrochaient pas précisément aux hampes, les altérations étaient souvent placées trop loin, trop prés, les unes sur les autres.... Sans parler de cet aspect épouvantablement mécanique : les mesures faisaient toutes la même largeur, les notes étaient imperturbablement régulièrement espacées — bref : la partition avait cessé d’être un objet humain.

 LilyPond, une idée d’avenir

Avec LilyPond, au contraire, les différents objets graphiques qui constituent la partition se placent d’eux-même aux endroits les plus appropriés, sans entrer en collision les uns avec les autres, sans faire ni d’amas ni de « blancs » sur la page. Une partition saisie avec LilyPond se reconnaît au premier coup d’oeil, de par la qualité de sa mise en page et de son graphisme.

LilyPond est donc :

  • un programme informatique qui permet d’éditer des partitions
  • un projet coopératif, mené exclusivement par des bénévoles du monde entier
  • un hommage à l’art maîtres graveurs qui, pendant des siècles, ont gravé les partitions à la main de la façon la plus harmonieuse possible
  • un logiciel Libre, c’est-à-dire
  • gratuit
  • modifiable, perfectible par tout un chacun
  • disponible pour toutes les plateformes, tous les systèmes d’exploitation

Mais LilyPond est bien plus que cela : il est enfin la solution dont le monde de la musique avait besoin, pour que les musiciens puissent enfin se réapproprier les partitions et l’écriture de la musique.

Dans les prochains articles, nous verrons ensemble comment tout cela se passe, et comment, notamment sur ce site, il vous est possible de poster des extraits de partitions directement au format LilyPond, sans rien installer sur votre ordinateur. Nous nous familiariserons avec le mode de pensée de LilyPond, qui est souvent déroutant pour les habitués des logiciels commerciaux.

 Pour en savoir plus...

Dans l’immédiat, je vous invite chaudement à aller visiter :

  • la bibliothèque Mutopia, où vous pourrez télécharger librement autant de partitions que vous le souhaitez. Il y a beaucoup de musique classique, mais aussi quelques pièces originales ; toutes sont accompagnées de leurs sources au format LilyPond. Le projet Mutopia vient de fêter sa 1000e partition, autant dire qu’il s’enrichit constamment !
  • le site du plus talentueux LilyPondeur au monde : Nicolas Sceaux, qui a édité avec LilyPond une multitude de partitions du XVII/XVIIe siècle. À tous les élèves pianistes, je recommande en particulier le livre de François Couperin l’Art de toucher le clavecin, qui est un pur régal !

Cordialement,
Valentin


[1Cette fonction est en cours d’implémentation depuis plusieurs années ; signalons aussi une fonction avancée qui permet à LilyPond de « chanter » vos partitions... en prononçant les paroles !

[2Pour l’anecdote, c’est notamment cette occupation qui a quelque temps permis au célèbre écrivain Rousseau de subsister.

Messages

  • I have not been able to change the Language to English. Even though my browser shows http://valentin.villenave.info/spip... and « The site’s languages » shows "English, this page is mixed, some English, but mostly French. Am I doing something wrong ? (possibly, expectations too high ?)

    Voir en ligne : Post a message - [Le Site]

    • Well, it depends. Some articles have been translated into English, others have been directly written in English. But as of now, this website is mostly in French as you noticed. (The article above hasn’t been translated at all, since it’s merely an introduction and there’s already plenty of material available in English on this subject.)

      If you’re looking for a LilyPond-related website in plain English, you might be interested in having a look at news.lilynet.net.

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