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Domenico Scarlatti : sonate Kv25 en fa dièse mineur

mardi 23 octobre 2007, par Valentin.

Voici une partition que j’ai déjà eu l’occasion d’envoyer par mail à plusieurs de mes élèves. C’est une pièce simple et très bien construite – et de ce fait, extrêmement difficile à bien jouer...

 Le texte

Sonate Kv25, Domenico Scarlatti
(Télécharger au format PDF)

Il s’agit d’une sonate de Domenico Scarlatti, compositeur italien de l’époque baroque. Je vous conseille d’aller jeter un coup d’œil sur son histoire, elle est intéressante. Contemporain de Bach et Händel, il est avant tout napolitain mais très cosmopolite tout comme ce dernier (car on aurait tort de croire que la « mondialisation » date de 1960).

Signalons son père, Alessandro, lui aussi compositeur ; son instrument de prédilection, le clavecin, dans lequel il excellait, et enfin son répertoire hallucinant : près de 600 sonates (elles ne nous sont pas toutes parvenues) pour clavecin, qui font appel à une virtuosité à peine imaginable à cette époque (où les gens en étaient encore à se disputer pour savoir s’il fallait jouer avec quatre ou cinq doigts).

Tous y passe : accords en agrégats, arpèges, gammes bien sûr, mais aussi énormément de croisements de mains (cette sonate en fournit un bon exemple). L’écriture de Scarlatti se caractérise notamment par le fait qu’elle exploite toute la tessiture du clavecin, des graves aux aigüs extrêmes. À tel point qu’il n’existe pas un clavecin au monde sur lequel on puisse jouer toutes les sonates : au long de sa carrière, Scarlatti a rencontré des clavecins plus ou moins graves, plus ou moins étendus, et chaque sonate est écrite pour l’un de ces clavecins.

Certains s’étonneront peut-être (les autres seront soit trop incultes soit trop cultivés pour s’en étonner) de ce que la pièce se nomme sonate alors qu’elle est d’un seul tenant (les sonates, je le rappelle, sont en trois voire quatre parties appelées mouvements). C’est qu’il s’agit en fait des toutes premières Sonates jamais écrites, qui naissent en Italie à cette époque. Le mot sonate signifie alors simplement « pièce destinée à faire sonner le clavecin » ; elle peut être en un seul mouvement, comme chez Scarlatti, ou devenir une véritable suite de 6 ou 7 mouvements.

 Quelques mots sur la source

Je l’ai empruntée, avec son autorisation, à Sebastiano Vigna, éminent professeur de l’université de Milan qui contribue également au logiciel LilyPond (on lui doit notamment le fort utile LSR dont je vous parlerai à l’occasion).

En voyant sa partition, mon sang n’a fait qu’un tour car de nombreuses fautes d’orthographe y figuraient : ainsi, bien que l’oeuvre soit écrite dans la tonalité de fa dièse mineur, la note sensible était notée comme un fa naturel et non comme un mi dièse, contrairement à toutes les éditions de cette pièce que j’avais pu lire.

Je me suis donc fait un devoir de corriger toutes les hauteurs de notes, et comme je le signalais à Sebastiano, il m’a répondu qu’en fait ces erreurs étaient de Scarlatti lui-même ! À l’époque, la notation des hauteurs était beaucoup plus libre, même si les règles existaient déjà. On trouve le même phénomène avec l’orthographe de la langue écrite : s’il vous arrive de lire des textes français du XVIe ou XVIIe siècle, vous savez probablement que les gens se sentaient plus libres à l’époque qu’au XXe siècle1.

 Les choix d’édition

Quelle attitude adopter dans un tel cas ?

  • On peut choisir de respecter à la lettre les sources (c’est-à-dire le manuscrit de l’auteur, ou bien les copies qui nous sont parvenues). Tel est le choix de Sebastiano, qui a publié ce que l’on nomme une édition Urtext.
  • On peut choisir d’adapter la partition à sa façon. Les grands champions de cette attitude sont les éditeurs français (Lemoine, Salabert, Durand etc), qui sont connus pour leur mépris des compositeurs et des sources. Ainsi, ils rajoutent couramment des indications de pédales (qui n’existait pas à l’époque de Scartlatti), de nuances (à l’époque seuls existaient f et p, les crescendos etc ne sont apparus que plus tard), ou de doigtés (et ceux d’entre vous qui m’ont déjà apporté des partitions françaises savent ce que valent leurs doigtés).
  • Enfin, on peut choisir, comme le font aujourd’hui la plupart des bons éditeurs (la plupart sont allemands, comme Henle ou Schirmer), d’établir une édition commentée, c’est-à-dire d’expliquer quels choix l’on a fait à quels endroits, et pourquoi. Ce que je fais ici-même, en vous expliquant pourquoi j’ai remplacé les fa naturels par des mi dièses.

 Licence et format

La partition de Sebastiano est sous licence Creative Commons by-sa, c’est-à-dire que l’on peut faire ce que l’on veut avec à deux conditions : préserver le nom de Scarlatti (et éventuellement celui de Sebastiano), et garder la même licence quelque modification que l’on fasse. En d’autres termes, la licence choisie par Sebastiano pour son édition Urtext s’applique également à mon édition.

Comme toujours, le fichier est ici proposé (ci-dessus) au format PDF, mais également au format MIDI si vous souhaitez l’écouter. Le tout, naturellement, accompagné du code source LilyPond.

Vous êtes invités à jeter un coup d’œil dans le code (observez comme Sebastiano est un codeur soigneux, regardez notamment de quelle façon il indique les numéros de mesures pour s’y retrouver), et surtout à le corriger vous-mêmes si vous trouvez une erreur – ou si vous voulez rajouter un joooooli crescendo façon XIXe siècle ;)

Portfolio


[1Encore que la tendance semble changer ces dernières années, avec l’irruption du parler-moche « décomplexé » propagé par les médias de masse et par les nouvelles formes de communication. Mais il ne faut pas confondre orthographe libre et orthographe fausse !

Messages

  • Bonjour,

    Je ne suis pas votre élève, (dommage) mais je vous écris car je n’ai pas réussi à imprimer cette nouvelle version de la « 25 » qui me semble (à mon modeste niveau) mieux écrite que celle en ma possession. ( Il faut dire que je l’ai au départ téléchargée sur WIMA quand le site était encore ouvert, ce n’est sans doute pas très conseillé !)

    Je voulais tenter de jouer cette sonate que j’ai découvert grâce à un enregistrement de W. HOROWITZ. mais avec une partition bien écrite et pourquoi pas des commentaires avertis ..! Bien que les oeuvres de Scarlatti soient tombées dans le domaine public, c’est rêver que d’imaginer trouver cela facilement sur internet.

    Je voulais aussi dire que ces fichiers audio formatés par je ne sais quel logiciel, offre une musique froide, sans nuance, lourde et indigeste ... l’écouter d’abord sous cette forme peut dissuader définitivement de la jouer !!! utile pour faciliter leur repérage mais à manier avec précaution. Qu’en pensez-vous.

    je suis Gérald, autodidacte dans l’apprentissage du piano, parisien et attends de voir avec curiosité ce qui entrera dans votre bibliothèque.

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